MIE ou MNA ?

Depuis 2016, la terminologie « mineurs non accompagnés » (MNA) s’est substituée à celle de « mineurs isolés étrangers » (MIE), « ce changement rappelle que ces enfants et adolescents relèvent du dispositif de protection de l’enfance » expliquait le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas.

Qu’est-ce qu’un MNA ? Quels sont ses droits ?

Sur le plan juridique, un Mineur Non Accompagné est âgé de moins de 18 ans, de nationalité étrangère et sans référent parental ou légal. Il est considéré comme mineur en danger (enfance maltraitée et enfance à risques). C’est donc auprès des services départementaux de l’ASE qu’il doit être pris en charge.

Détermination de l’âge

A défaut d’état civil, l’estimation médico-légale de l’âge est déterminante pour l’avenir et la prise en charge proposée à la personne. En effet, l’âge conditionne la prise en charge ou non par l’ASE, mais également si elle doit être scolarisée pour les moins de 16 ans, et le temps restant pour préparer sa régularisation administrative en France.

La détermination médico-légale de l’âge est utilisée lorsqu’il y a un doute sur la minorité de la personne (absence de document d’identité et âge allégué non vraisemblable). Elle ne peut être exigée que par une autorité judiciaire (Juge des enfants ou Procureur de la République) et non par les services administratifs. Le juge n’est cependant pas obligé de tenir compte des résultats de l’expertise médicale.

Si une personne possède des documents d’identité attestant de sa minorité, l’apparence physique ou le refus de consentir à des examens médico-légaux n’ont pas de valeur pour prouver sa prétendue majorité.

En l’absence de représentants légaux, le jeune doit lui-même consentir à la réalisation des examens médico-légaux proposés. L’absence de consentement peut être préjudiciable car le tribunal peut estimer qu’il souhaite s’y soustraire car étant majeur.

Les expertises médicales sont des outils approximatifs qui se fondent sur des tables de référence anciennes et non adaptées en ce qu’elles ne prennent pas en compte l’histoire ethnique et culturelle du mineur. La méthode de l’expertise osseuse aux fins de détermination de l’âge des mineurs isolés étrangers est très contestée, voire pour certains considérée comme inutilisable à cette fin.

L’expertise médico-légale de détermination de l’âge donne lieu à un ensemble de tests cliniques composé :

  • D’un entretien psychologique avec un médecin (évaluation de la maturité, du mode de vie, du niveau scolaire de l’adolescent) accompagné d’un interprète si besoin
  • D’un examen dentaire
  • D’un examen de l’âge osseux

Par cette expertise, différentes mesures vont être établies telles que les mensurations, la dentition, la plus connue étant la radiographie de la main et du poignet. Ces radiographies sont ensuite comparées à l’atlas de référence de Greulich et Pyle établie en 1935 (à partir d’une population blanche née aux États-Unis d’origine européenne et de milieu familial relativement aisé).

Tous ces tests cliniques doivent obligatoirement être réalisés dans un institut médico-judiciaire et avec le consentement de l’intéressé(e).

Protection de l’enfance en danger

A droit à la protection de l’Etat «  Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat. » L’Etat se substitue alors à la protection familiale qu’ils n’ont plus. (Convention internationale relative aux droits de l’enfant)

Les mineurs étrangers, au même titre que les nationaux, y ont droit. La protection de l’enfance est placée sous la responsabilité des conseils départementaux, dirigeant les services de l’ASE. C’est aussi les conseils départementaux qui reçoivent et gèrent les informations préoccupantes par le biais de la CRIP.

Pour les mineurs isolés étrangers, la prise en charge administrative par les services départementaux de la protection de l’enfance ne peut donc résulter que d’une situation d’urgence. Le fait qu’ils soient mineurs et isolés suffit à caractériser le danger qui rend nécessaire leur accueil provisoire d’urgence. Ils doivent donc faire l’objet d’une IP pour ensuite permettre un suivi par l’ASE. Cette IP peut être rédigée par un professionnel de santé mais pas nécessairement. Tout citoyen a la possibilité de réaliser une information préoccupante pour signaler au département un enfant en danger sur son territoire.

Lorsque le mineur a un membre de sa famille sur le territoire (un oncle, une tante, des grands-parents,…), le juge peut décider de confier le mineur à cette personne. Si toutefois le mineur est totalement isolé, et ce dans la majorité des cas, il est confié par le juge au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un établissement spécialisé.

Procédure :

1) Protection administrative : à la découverte d’un MNA, le Conseil départemental est tenu de lui fournir un hébergement d’urgence, une mise à l’abri de 5 jours, le temps pour l’ASE de confirmer son statut (minorité et isolement).

2) Protection judiciaire : à la suite de ces 5 jours, le conseil départemental saisit le Procureur de la République :

  • minorité et isolement reconnus > placement, droit commun de la protection de l’enfance
  • évaluation non aboutie > placement provisoire, le temps que le statut de la personne soit défini
  • minorité et/ou isolement non reconnus > non reconnaissance de la situation de MNA, pas de protection judiciaire ni administrative

Profils psychologiques des MNA

Le collectif TOPIK proposait en 2013 une typologie des MNA, nonobstant le risque réducteur de la catégorisation, mais qui a l’avantage d’éclairer le regard sur les raisons du départ et les conditions sociales de l’individu en question. En voici un résumé :

Type 1 : Le mineur exilé
fuyant les guerres, les conflits ethniques, des conflits fonciers, des pratiques socio-culturelles (mariage forcé, excision, …) ou appartenant à un groupe social discriminé, ces mineurs viennent se réfugier en France.

Problématiques d’accompagnement : vécus traumatiques liés à la séparation, souvent brutale, d’avec les parents, jeunes sans repères, d’abord des demandeurs de protection.

Type 2 : Les figures du mineur mandaté : le travailleur, l’étudiant, l’initié
Le mandaté-travailleur, incité à se rendre en Europe par ses proches ou la communauté pour les soutenir économiquement, ambitionne de travailler rapidement quitte à le faire de manière illégale. Davantage étayé psychiquement par les attentes du groupe

Problématiques d’accompagnement : peu demandeur de protection, souhaite que sa mission soit effective rapidement, prise en charge et orientation difficile

Le mandaté-étudiant envisage le dispositif de protection comme l’espace idéal pour réaliser son projet de départ. S’il exprime son attachement à sa famille, il met également en avant son isolement et son désir de faire des études. Son projet est clair, acquérir un métier, correspondant à son parcours scolaire antérieur, son milieu social et nourrir des aspirations impossibles à concrétiser dans son pays (coût des études, discriminations). Ces mineurs sont souvent originaires des pays francophones africains, et plus fréquemment de sexe féminin.

Problématiques d’accompagnement : les amener à revisiter leur projet d’études longues – peu réaliste – pour s’orienter vers des formations plus courtes (durée limitée prise en charge et titre de séjour)

Le mandaté-initié : Pour lui, davantage qu’un projet économique, la migration s’apparente à un voyage initiatique, un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte.

Problématiques d’accompagnement : ne pas proposer un accompagnement trop « protecteur », trop «affectif», antinomique avec le principe du rite initiatique qui consiste justement à s’extraire des protections primaires, à faire son deuil de l’enfance pour faire peau neuve.

Type 3 : Le mineur-exploité : une figure plus féminine
émigration à des fins d’exploitation, de la prostitution au vol forcé en passant par le travail clandestin, en atelier ou chez des particuliers. Dans ce cas, l’exploitation est organisée dès le départ du pays d’origine.

Problématiques d’accompagnement : invisibilité dans l’espace public, dissimulation bien organisée par les réseaux de traite des êtres humains, repérage tardif

Type 4 : Le mineur-fugueur
figure plus rare, fuyant la famille ou l’institution de référence

Le primo-fugueur se retrouve sur le territoire français après s’être émancipé de sa famille de manière radicale : en quittant son pays d’origine. Une fois passé de ce côté-ci de la frontière, l’idée de la fuite en avant ne l’habite plus et il accepte facilement la prise en charge.

Le fugueur-réitérant, beaucoup moins stable, persévère dans sa quête de l’ailleurs en fuyant systématiquement les structures d’accueil.

Problématiques d’accompagnement : rétifs à toute forme de protection « trop cadrée »

Type 5 : Le mineur-errant : le mineur dans la rue, le mineur de la rue
Les mineurs-errants « dans la rue » : conséquence d’un éloignement progressif de la cellule familiale et d’une forte sociabilité avec des pairs en rupture de ban. Ils vivotent dans les zones frontières, saisissant à l’occasion la poursuite d’un parcours d’errance plus lointain, dans des pays imaginés plus amènes.

Le mineur de la rue : ses parents, en situation de grande précarité, résident en France parfois de manière intermittente. Echappant à la précarité de leur milieu familial, ils vivent en petits groupes labiles. Ils « s’installent dans la débrouille » de la mendicité, du vol et de la prostitution.

Problématiques d’accompagnement : difficultés d’approche, petite délinquance

L’étude permet de mieux repérer trois formes d’errance : l’errance-structurelle, qui se met en place dans le pays d’origine et signe un éloignement vis-à-vis de la famille et/ou de l’institution ; l’errance-conjoncturelle en France, occasionnée par la précarité et se structurant progressivement sur place ; l’errance-institutionnelle, liée aux errements, voire aux ratés, de l’accueil et de la prise en charge.

Type 6 : Le mineur-rejoignant : l’envoyé, le confié, le successeur
Le mineur-envoyé, souvent très jeune (moins de 10 ans), est l’archétype de l’enfant laissé au pays par les parents en émigrant qui tentent d’organiser après-coup sa venue, sans satisfaire aux conditions légales du regroupement familial.

Le mineur-confié, à la différence du mineur-envoyé, est adressé par ses parents à des proches émigrés en Europe, dans le cadre d’une tutelle ou adoption traditionnelle. Sa situation de MIE s’explique par le temps (long) nécessaire à l’officialisation de la tutelle. Tout comme le mineur-envoyé, le mineur-confié n’est pas demandeur de protection à son arrivée.

Le mineur-successeur, souvent plus âgé, est également souvent à l’initiative du « regroupement familial » avec un parent ou un membre de la famille élargie en France ou ailleurs. Il reproduit les déplacements, souvent à l’identique, de son entourage ou de ses compatriotes. Ce jeune est porteur, soit du projet de se substituer à l’émigration d’un père vieillissant, soit du projet de rejoindre une « communauté de migrants » installée de longue date.

Problématiques d’accompagnement : ne sont pas demandeurs de protection de l’Etat initialement, peuvent le devenir si un conflit avec la communauté ou le parent accueillant apparaît

Type 7 : Le mineur-aspirant
est engagé dans une forme de quête plus personnelle, cherchant à se réaliser à travers la migration en tant qu’individu. Ce voyage initiatique est alors moins celui de l’accomplissement attendu par les proches, comme il peut l’être pour le mandaté-initié, que la tentative de s’émanciper du milieu familial et de la société d’origine. La recherche de protection et/ou de meilleures conditions de vie est très présente dans les propos de ces adolescents migrants. Le critère économique entre moins en considération que la quête d’un climat social serein. A la différence des autres types, les mineurs-aspirants sont plus politisés. Ils dénoncent sans ambages la corruption, l’injustice, les inégalités, les discriminations de leurs pays. Le dessein du mineur-aspirant s’apparente à une quête d’un « ailleurs » où l’on peut être soi, « devenir » quelqu’un, exister.

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Après 18 ans …

A sa majorité, la personne ne relève plus de la protection de l’enfance et doit faire les démarches de demande de titre de séjour rapidement. La personne se retrouve en situation irrégulière et est susceptible de faire l’objet d’une OQTF.

Les enfants qui ont été pris en charge avant 15 ans par l’ASE font exception : à leurs 18 ans, ils peuvent demander la nationalité française car ayant été recueillis par l’ASE depuis 3 années. Toutefois, la majorité des MNA pris en charge ont 16 ou 17 ans à leur admission.

Pour les autres, un CJM, Contrat Jeune Majeur, peut être demandé (comme pour tout jeune sous protection de l’ASE) afin d’étendre la protection et l’accompagnement jusqu’à l’âge de 21 ans. Le CJM peut comprendre une prestation financière (allocation), un soutien psycho-social, et la prise en charge de l’hébergement. Ce dispositif a pour objectif de donner un soutien éducatif et matériel aux jeunes qui ne peuvent bénéficier d’un soutien familial.

Guide à l’usage des MNA pour connaître ses droits
UNICEF, Enquête sur les enfants non accompagnés du Nord de la France, 2016
Fiche réflexe de La Cimade concernant les MNA
Médecins du Monde, L’accès aux droits et aux soins des MNA en France, 2017
Concernant l’accueil des MNA à l’hôpital