POLITIQUE MIGRATOIRE FRANCAISE & EUROPEENNE
En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme énonce, en son article 14 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. ». Il est ainsi reconnu à chacun le droit à trouver un refuge face à des persécutions subies.
Signée en 1951, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés est un texte de droit international qui définit à la fois ce qu'est un réfugié, quels sont ses droits et enfin quelles sont les obligations des Etats signataires à son égard.
En 1967, le protocole de New-York étend son périmètre d’action en supprimant les critères spatiaux et temporels (délimitant son action aux faits survenue durant la seconde Guerre mondiale) initialement prévus.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) est le programme de l’ONU ayant pour mission de protéger les réfugiés et de veiller à l’application de la Convention de Genève.
Les pays signataires doivent appliquer les règles dictées par l’UNHCR concernant les personnes qui sont reconnues comme relevant du →statut de réfugié.

En 2023, l’OFPRA a enregistré 124 056 premières demandes de protection internationale, 18 453 demandes de réexamens et 140 réouvertures soit 142 649 demandes et une hausse de 8,7% par rapport à 2022.
44560 ont été accordées, 90976 ont été rejetées.
L'Afghanistan est la première nationalité représentée, suivi du Bangladesh (8 600), de la Turquie (8 500), de la République démocratique du Congo (8 000) et de la République de Guinée (7 000).
Le délai moyen de traitement est de 138 jours.
Selon l'Ofpra, au 31 décembre 2022, 17 308 enfants mineures toutes nationalités confondues, bénéficient d’une protection internationale en raison de leur exposition au risque de mutilation sexuelle féminine.
Historique des politiques migratoires françaises et européennes
1999 - 2002
De la fin septembre 1999 à décembre 2002, le Centre d’Hébergement et d’Accueil d’Urgence Humanitaire (CHAUH) de la Croix-Rouge était implanté à Sangatte (commune proche de Calais). Il était chargé d’accueillir «provisoirement» les migrants candidats au passage vers la Grande-Bretagne.
Les milliers de personnes ayant transité par cette région, ainsi que les mesures mises en place pour les accueillir ou les empêcher de «passer» outre-Manche, ont considérablement stigmatisé les lieux. Des réseaux de passeurs se sont ainsi appropriés les espaces de passage, le paysage environnant s’est transformé, les sites dits sensibles ont été «sécurisés»… Cette situation créa le débat, tant au niveau local qu’européen.
Le Centre a vu passer plus de 65000 étrangers originaires d’une centaine de pays dans le monde. Sangatte et sa région sont ainsi devenus un lieu de transit des plus importants pour les migrants clandestins souhaitant se rendre en Grande-Bretagne.
2004
Ce traité, signé entre la France et le Royaume-Uni en 2003 et entré en vigueur en 2004, prévoit le renforcement de la frontière commune.
Le texte a eu pour effet un "déplacement de la frontière britannique" de Douvres (Royaume-Uni) à Calais (France). Ainsi, des bureaux de contrôle d’immigration communs, dits "juxtaposés", ont été installés dans les ports de la Manche et de la Mer du Nord : à Calais, Boulogne-sur-Mer, Dunkerque côté français et à Douvres côté anglais. En vertu de ce décret, Paris ne peut donc pas légalement laisser les migrants traverser la Manche et les personnes s'étant vu refuser l'accès au territoire anglais doivent, de fait, rester en France.
Ce décalage géographique de la frontière entraîne la formation de sites de campements de migrants, souhaitant rejoindre l’Angleterre, dans la région de Calais et des tentatives risquées pour franchir cette frontière illégalement.
D’autres accords bilatéraux ont ensuite été signés, la Grande-Bretagne s’engageant à financer les contrôles et la sécurisation des sites de transit sur la côte française, et la France s’engageant à contrôler l’immigration clandestine vers l’Angleterre, y compris aux abords du tunnel sous la Manche.
Oct. 2013 - Oct. 2014
Suite à un naufrage très meurtrier au large de Lampedusa, le gouvernement italien a mis en place l’opération Mare Nostrum. Cette intervention, menée par la Marine italienne, était une mission de sauvetage des migrants en détresse sur les eaux méditerranéennes, jusqu’au large des côtes libyennes. Cette opération a permis de secourir plus de 150 000 personnes en un an.
Avec une facture de 9 millions d’euros par mois, elle fut critiquée par la droite italienne et par d’autres pays européens pour son coût et pour « l’appel d’air » supposé qu’elle aurait exercé.
2013
Appelé Dublin III, le règlement, signé en 2013 entre les pays membres de l’Union européenne, ainsi que la Suisse, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein, délègue la responsabilité de l’examen de la demande d’asile d’un réfugié au premier pays qui l’a accueilli.

Ainsi, un réfugié entré sur le territoire européen par l’Italie, et ayant continué sa route jusqu’en France, ne peut demander l’asile en France. S’il enregistre sa demande en préfecture, il sera automatiquement placé en « procédure Dublin », et renvoyé dans le pays d’entrée, en l’occurrence l’Italie, afin qu’elle traite sa demande d’asile. C’est ce qu’on appelle un « dubliné ».
Pour permettre l’application de cette procédure, une identification systématique des migrants dans les pays d’arrivée a été mise en place. Les empreintes des personnes sont enregistrées, permettant ainsi à un autre pays de retrouver la trace du parcours effectué.
L’Union européenne a mis en place cette mesure car elle considère que la même protection serait accordée au demandeur d’asile dans tous ses pays membres. « L’esprit du règlement est de décider de transférer rapidement dans le pays d’entrée un candidat à l’asile, afin de traiter la demande d’asile rapidement », selon Gérard Sadik, spécialiste à la Cimade, une organisation de soutien aux migrants. Toutefois, chaque Etat reste autonome pour décider d’accorder ou non l’asile aux personnes le lui demandant, et certaines différences de traitement peuvent être constatées d’un pays à l’autre de l’Union.
La seule dérogation considérée est celle du regroupement familial, qui prime sur la procédure prévue dans le cadre de l’actuelle règlementation. C’est l’un des « rares aspects positifs » du dispositif actuel, selon Gérard Sadik. Il existe aussi un droit de recours de la décision de transfert dans le cas où le demandeur estime qu’il serait maltraité dans le pays de première entrée.
Jugé inégalitaire par les principaux pays d’entrée, la Grèce et l’Italie, ou trop laxiste pour les autres, le règlement Dublin III est au cœur de la controverse depuis la crise migratoire de 2015.

depuis Novembre 2014

Alors que l’opération Mare Nostrum prenait fin, L’Union Européenne mit en place, l’opération Triton dans l’objectif de surveiller les frontières, en novembre 2014.
Avec des moyens inférieurs à ceux de Mare Nostrum et dans une moindre mesure, l’opération Triton assure toujours des sauvetages, selon le droit de la mer.
Suite à plusieurs naufrages où de nombreuses personnes ont péri en tentant de traverser la Méditerranée, l’Union Européenne se concerta au Sommet Européen Spécial de 2015. Un renforcement des moyens matériels de Triton y est décidé, mais les objectifs restent sécuritaires et non humanitaires.
L’agence européenne FRONTEX (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures), en charge de la surveillance des frontières extérieures de l’UE, se retrouve en difficulté pour gérer l’afflux de migrants en 2015. FRONTEX deviendra l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes en 2016, avec un mandat renforcé et des fonctions élargies.
Novembre 2014
Le processus de Khartoum, signé le 28 novembre 2014 entre l’Union européenne et une vingtaine de pays africains, du Soudan à la Libye, est un partenariat conclu pour lutter contre le trafic d’êtres humains dans la Corne de l’Afrique, mais aussi, pour empêcher les migrants de rejoindre l’Europe par la mer, en les incitant à rester dans leur pays d’origine. D’un côté, l’UE finance des formations de surveillance en encadrant, par exemple, des policiers marocains, et des projets de développement, ou bien en investissant en Tunisie. De l’autre, ces pays d’Afrique renforcent leurs patrouilles aux frontières et établissent des camps d’accueil pour les demandeurs d’asile. De nombreuses ONG, à l'image de l’Association européenne des droits de l’homme, y voient une tentative de l’Europe de sous-traiter les demandes des migrants, avant qu'ils ne prennent la mer, et dénoncent des accords noués avec des pays peu scrupuleux des droits de l’homme.
2016
Le 18 mars 2016, la Turquie et l'Union européenne ont convenu d'un plan global pour réduire la migration vers l'Europe :
- Tous les nouveaux migrants irréguliers (qui ne demandent pas l'asile ou dont la demande d'asile a été jugée infondée ou irrecevable) qui ont traversé la Turquie vers les îles grecques depuis le 20 mars 2016 sont renvoyés en Turquie. Le coût des opérations de retour des migrants en situation irrégulière est pris en charge par l'UE.
- Pour chaque Syrien renvoyé vers la Turquie au départ des îles grecques, un autre Syrien est réinstallé de la Turquie vers l'Union européenne, dans la limite de 72 000 personnes maximum.
- La Turquie doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de nouvelles routes de migration irrégulière, maritimes ou terrestres, ne s'ouvrent au départ de son territoire en direction de l'UE, et coopère avec les États voisins ainsi qu'avec l'UE à cet effet.
- Si la Turquie satisfait tous les critères de référence, les citoyens turcs n'auront plus besoin de visas pour se rendre dans un pays de l'Union européenne, à partir de la fin du mois de juin 2016 au plus tard.
- L'Union européenne doit accélérer le versement du montant de 3 milliards d'euros initialement alloué pour la gestion des réfugiés en Turquie.
- L'UE, ses États membres et la Turquie doivent coopérer pour améliorer les conditions humanitaires à l'intérieur de la Syrie, en particulier dans certaines zones proches de la frontière turque, ce qui permettrait à la population locale et aux réfugiés de vivre dans des zones plus sûres.
2017
Conclu le 2 février 2017 entre le Président du Conseil des ministres italien de l’époque Paolo Gentiloni et le gouvernement d’entente nationale libyen, reconnu par les Nations unies, le mémorandum vise à réduire l’intensité des flux migratoires au départ de l’Afrique du Nord et à destination de l’Union européenne. Il organise la coopération entre les deux États, notamment en prévoyant de fournir des bateaux à l’armée et aux garde-côtes libyens, ainsi que des formations, lesquelles ont également été assurées par l’Union européenne, dans le but « d’endiguer les flux de migrants illégaux et de faire face à leurs conséquences ».
Celui-ci a été, dès son adoption et encore aujourd’hui, fortement critiqué par les associations de défense des droits de l’homme, notamment en raison du nombre toujours aussi conséquent de naufrages en mer Méditerranée, ainsi que du traitement inhumain dont sont victimes les personnes migrantes et réfugiées en Libye, à leur arrivée dans le pays ou une fois interceptées par les garde-côtes.
Cet accord a été renouvelé en 2019, entre l’Italie et la Libye et soutenu par l’Union Européenne.
Politique migratoire sur le territoire Français
Procédures et situations spécifiques
Les personnes présentes illégalement en France sont, de fait, susceptibles de se voir interpellées par la police et d’être conduites en centre de rétention avant un éventuel retour au pays d’origine.
Fiches récapitulatives de la Cimade :

Les centres de rétention administrative sont des dispositifs gouvernementaux créés pour maintenir dans des lieux fermés les personnes étrangères faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dans l’attente de leur renvoi forcé.
Une aide au retour peut être accordée aux étrangers en situation irrégulière qui souhaitent quitter la France pour regagner leur pays. Il s'agit d'une aide matérielle et financière au moment du départ pour faciliter la réinsertion dans le pays d'origine.
Le retour au pays doit être volontaire. Il ne peut pas s'agir d'un retour forcé organisé par l'administration française.
Il est possible pour un demandeur d’asile de rejoindre un membre de sa famille résidant dans un autre pays européen et ayant obtenu une protection internationale (réfugié, protection subsidiaire, apatride) ou ayant déposé une demande d’asile.
Fiche récapitulative de la Cimade concernant la réunification familiale via Dublin III :
L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est la principale mesure d'éloignement qui concerne les étrangers (l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a été supprimé). La décision est prise par le préfet, notamment en cas refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier en France. Elle oblige la personne à quitter la France par ses propres moyens dans un délai de 30 jours ou sans délai dans des situations plus limitées. Un recours est possible.
Le délai de départ volontaire, DDV, est un délai qui permet de saisir un Tribunal administratif après une OQTF. Il s’agit d’une décision à part entière puisque le Préfet peut décider soit d’augmenter ce délai au-delà de la période de 30 jours retenue en général soit de la refuser et donc réduire le délai pour saisir le Tribunal administratif à 48h.
Le DDV est généralement de 30 jours, période pendant laquelle la personne a la possibilité d’un recours. Après ce délai, le recours est impossible et l’administration peut demander l’assignation à résidence et l’exécution de l’OQTF par la police.
Parfois, la personne est sommée d’un refus de DDV, elle n’a alors que 48h pour saisir le Tribunal administratif et sa requête sera jugée sous 3 jours.